Cinenews N° 104

Hassan Benjelloun : Un réalisateur engagé

2020-01-18

DANS L’ŒIL DE LA CAMÉRA Hassan Benjelloun UN RÉALISATEUR ENGAGE TINVITE les gens à résister et à saisir toutes les nouvelles OPPORTUNITÉS POUR VIVRE DE NOUVELLES EXPÉRIENCES, ET DE NE JAMAIS ABANDONNER LEURS PASSIONS. ” Vous avez un diplôme en pharmacie, et vous tenez une pharmacie dans votre ville natale Settat, quelles sont les motivations qui vous ont poussé à franchir l’univers du cinéma? Je suis né à Settat et je détiens une pharmacie dans ma ville natale, sauf que je rêvais d’étudier le cinéma et d’en faire une profession depuis mon enfance, mais mon père refusait catégoriquement. Ce qui m’avait donné cette envie, c’était les contes que me racontaient ma mère et ma grand-mère, développant de plus en plus mon imaginaire, en créant des scénarios et en imaginant des personnages et des vécus, ça m’avait tant préoccupé l’esprit... Et malgré le fait que je faisais mes études en pharmacie, à la faculté de médecine de Casablanca, j’effectuais également des stages dans différentes agences de publicités en Europe, plus exactement en France. J’appartenais également à des clubs qui se chargeaient de la création de films scientifiques, notamment avec le tournage d’opérations chirurgicales... C’était l’une de mes passions et bien des années après, je la vis passionnément. En juillet 2019, vous étiez le président du jury de la catégorie longs-métrages internationaux du festival camerounais Écrans Noirs, comment avez-vous vécu cette expérience? Le choix n’était pas facile, suite à la diversité des films. Notre débat était vraiment fructueux, je le qualifie d’une bonne expérience, parce que j’ai eu la chance de découvrir l’avis d’autres personnes, de comprendre leur logique et leurs perceptions, comment ils défendaient les films qu’ils avaient appréciés. Cette expérience m’avait aidé à voir les points qui m’échappaient lors de la projection et les différents avis des personnes aussi compétents que moi qui opèrent dans le même domaine. Donc ce fut un réel plaisir. Vous avez été quasiment absent du paysage cinématographique marocain depuis 2013, pourquoi? Tout simplement, parce qu’il y avait des commissions qui n’appréciaient pas mon cinéma et tous les projets que j’avais réalisé. Même le film Pour La Cause a été refusé 2 fois, parce qu’ils n’aimaient pas mon style... Par malchance, je ne pouvais pas financer mes projets à travers mes propres fonds, un facteur qui m’avait motivé à tenter ma chance après chaque occasion, et même à attendre le changement des membres de la commission. « C’est une nouvelle aventure, où j’ai appris énormément de choses. 99 15 «Pour la cause», est votre nouveau film qui sera projeté à partir du 1er janvier à Casablanca, parlez-nous de cette nouvelle expérience ? En 1972, je comptais traverser l’Autriche pour arriver en Tchécoslovaquie, un passage du monde capitaliste vers le monde communiste, et j’ai subi la meme chose que le héros du film Pour La Cause. Ce rejet était dû à des raisons vraiment absurdes. Et donc, j’ai décidé de faire de mon expérience un sujet du film, mais en traitant le sujet de la cause palestinienne. Ce film est une conception d’un vécu réel. Vous avez abordé dans votre film la question de la tragédie palestinienne, est ce qu’on peut le considérer comme un message aux décideurs de la scène politique internationale? Je n’aime pas le qualifier de message, mais plutôt d’un signal d’alarme suite à l’oubli de cette cause qui est devenue une problématique secondaire dépassée pour la plupart. Le but était remettre le débat sur scène pour éveiller encore une fois la conscience des arabes. Sur quels critères vous vous êtes basé pour le choix de votre casting ? Je me suis basé sur la crédibilité, et j’ai choisi des personnes très adaptées à leurs rôles. J’ai donc choisi un palestinien de Jérusalem, qui est conscient de la situation et de la cause palestinienne, et j’ai également sélectionné une française de confession juive et d’origine marocaine. Elle ressemble vraiment au personnage du film. Le but était de choisir des acteurs professionnels qui ressemblaient vraiment aux personnages que j’avais imaginés. Le réalisateur Hassan Benjeltoun Je remarquais aussi qu’ils étaient vraiment conscients de la situation de la Palestine et que la cause est l’une de leur préoccupation. Quelle leçon tirez-vous de cette aventure cinématographique ? C’est une nouvelle aventure, où j’ai appris énormément de choses, où j’ai vécu de nouvelles expériences et où j’ai ressenti de nombreux et différents sentiments... C’était un réel plaisir pour moi, cet apprentissage et cette formation continue me servent énormément. Avant le lancement, j’avais vraiment peur et je paniquais, puisqu’on traite d’un sujet très sensible qu’est la cause mais avec un brin de comédie, une autre façon pour traiter ce sujet qui nous tient tous à cœur. Est-ce que votre film met en exergue l’attitude humaniste du citoyen marocain envers tout ce qui est palestinien? En partant de l’optique que le palestinien a et aura toujours une place spéciale chez les marocains, les arabes, et même chez les européens, et en présentant un palestinien aux marocains, je voulais vraiment voir comment ces derniers allaient se comporter. Même quand je fréquentais des lieux publics avec Ramzi MAKDISI, le héros du film, je constatais que les gens se comportaient avec bienveillance. Une dernière question, comment jugez-vous la qualité des productions cinématographiques marocaines de ces 5 dernières années? Je suis fier et déçu en même temps. Je constate que ces derniers temps, il y a un effort fourni par les jeunes qui prennent vraiment la relève comme le prouve la présence des films marocains dans de nombreux festivals, ce qui me fait vraiment plaisir. Mais ce qui est décevant c’est que le public marocain a perdu son côté cinéphile, et que sa compréhension du cinéma s’est altérée. Cinenews Décembre - Janvier 2020

Hassan Benjelloun : Un réalisateur engagé

2020-01-18

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